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BOUTIQUE FERMEE PENDANT LA CRISE SANITAIRE : LES LOYERS SONT DUS

Les commerçants locataires contraints de fermer boutique en raison de la pandémie pouvaient-ils cesser de payer leurs loyers ? La justice a récemment tranché : c’est non !


Lors du premier confinement, afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19, l’Etat a interdit l’accueil du public dans les locaux commerciaux Lors du premier confinement, afin de lutter contre l'épidémie de Covid-19, l'État a interdit l'accueil du public dans les locaux commerciaux dits « non essentiels ».

Ainsi contraints de fermer boutique et dans l'impossibilité dès lors d'exercer leur activité, certains commerçants locataires ont cessé de payer leurs loyers, ce qui a engendré de nombreux litiges avec leurs bailleurs. Selon le gouvernement, jusqu'à 45 % des commerces de détail ont été fermés pendant la crise sanitaire. Le montant total des loyers et charges locatives immobilisés en conséquence est estimé à plus de 3 milliards d'euros.

Afin de s'opposer aux réclamations de loyers des bailleurs, les locataires ont avancé divers arguments juridiques pour justifier leur refus de payer. Tous ont été balayés par la justice au bénéfice des bailleurs.


L'urgence sanitaire n'exonère pas le locataire


 En juin 2022, les tribunaux ont fait connaître leur position sur les questions de principe posées dans le cadre de ces divers litiges. Ils ont souligné que les mesures prises par les autorités publiques pour lutter contre la propagation du Covid-19 n'ont pas pour autant écarté l'application des règles juridiques normales. Autrement dit, si le contexte était inédit, le droit classique n'en restait pas moins applicable.

Ce principe étant posé, les juges se sont penchés sur chacun des principaux arguments mis en avant par les locataires.


Impossible d'invoquer la force majeure


Dans l'une des affaires, un locataire avait tenté de faire valoir que l'interdiction de recevoir du public constituerait un cas de force majeure.

Pour mémoire, la force majeure correspond à un évènement imprévisible qui échappe au contrôle du débiteur (ici, le locataire) et l'empêche d'exécuter son obligation (payer son loyer), le dédouanant vis-à-vis de son créancier (le bailleur).

Or, en l'occurrence, le locataire ne disait pas avoir été empêché d'exécuter son obligation de payer le loyer. Il prétendait « seulement » de ne pas avoir pu utiliser le local loué.

Les juges ont donc repoussé son argumentation, en précisant qu'un contractant (le locataire) qui n'a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit (l'usage du local) ne pouvait pas mettre un terme à son contrat (bail) ou suspendre son obligation en invoquant la force majeure.


La « perte de la chose louée » n'est pas un argument


Des locataires ont aussi avancé que l'interdiction de recevoir du public constituerait une perte de la chose louée (en l'occurrence, de l'usage du local). En effet, le locataire peut demander la baisse du loyer ou la résiliation du bail lorsqu'il a « perdu la chose » qu'il loue dans des circonstances fortuites.

Là non plus, les juges n'ont pas été de cet avis : selon eux, l'interdiction de recevoir du public est une mesure édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels et dont la seule fin est de préserver la santé publique. Cette mesure générale et temporaire est sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué.

Par conséquent, les commerçants ne pouvaient pas demander une réduction de leur loyer sur le fondement de la perte de l'usage du local.


Le bailleur n'est pas en cause


> Pas de manquement à l'obligation de délivrance. Le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à son locataire (mettre à disposition le local) et de lui en garantir la jouissance paisible, conformément à sa destination contractuelle. Des locataires ont ainsi tenté de justifier le non-règle-ment de leurs loyers par le manquement de leurs bailleurs à leur obligation de délivrance du local commercial loué.

Pour la justice, l'interdiction de recevoir du public a un caractère général et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, si bien que cette mesure ne peut pas être imputable aux bailleurs. Il en résulte qu'elle ne peut pas davantage constituer un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance.

Autrement dit, dès lors que les locaux ont été mis à la disposition du locataire qui reconnaît que l'impossibilité d'exploiter est le seul fait du législateur, la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public ne constitue pas une inexécution de l'obligation de délivrance.

Les commerçants ne pouvaient ainsi se prévaloir d'un tel manquement pour suspendre le paiement de leurs loyers.

> Un bailleur de bonne foi. Les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Un locataire a ainsi tenté de faire valoir que l'interdiction de recevoir du public était une circonstance exceptionnelle à prendre en compte par tout bailleur de bonne foi.

Les tribunaux ont considéré que la proposition faite par un bailleur de différer le règlement des loyers pour le reporter d'un trimestre, voire deux, suffit pour considérer que ce dernier a tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi.


CASS. CIV. 3E CH., 30 JUIN 2022, NOS 20-20127 ET 20-20190 ; C. CIV. ART. 1104, 1218, 1719 ET 1722


LOYERS EXCEPTIONNELLEMENT

ENCADRÉS

La récente loi sur le pouvoir d'achat vient de plafonner à 3,5 % la variation annuelle de l'indice des loyers commerciaux prise en compte pour la révision des loyers des micro-entreprises et des PME (qui emploient moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan n'excède pas 43 M€).

Ce plafonnement vaut pour les trimestres compris entre le 2° trimestre 2022 et le 1er trimestre

2023 (loi 2022-1158 de protection du pouvoir d'achat, art. 14).




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